Les secrets d’un safari provençal : observer la faune sauvage dans les parcs naturels

5 juillet 2025

Un patrimoine vivant sous-estimé

La Provence se résume trop souvent à ses champs de lavande, ses marchés colorés ou ses villages perchés. Pourtant, ce territoire, qui s’étend de la Camargue aux contreforts alpins, cache une mosaïque de parcs naturels où la faune s’exprime dans toute sa diversité. Entre espèces emblématiques et découvertes inattendues, ces espaces abritent des trésors vivants aussi précieux que fragiles. Pour les passionnés comme les novices, partir à la rencontre de la faune sauvage est l’un des privilèges les mieux gardés de la région.

Panorama : les grands parcs naturels de Provence

  • Parc naturel régional du Verdon : Gorges vertigineuses, lacs turquoise, forêts de chênes et falaises calcaires.
  • Parc naturel régional de Camargue : Delta du Rhône entre eau douce et eau salée, rizières, marais, plages sauvages.
  • Parc naturel régional du Luberon : Collines boisées, garrigues, falaises d’ocre et vallées agricoles.
  • Parc naturel régional de la Sainte-Baume : Forêt relique, crêtes rocheuses, grottes et sources.

Chacun de ces parcs possède une identité écologique forte, avec un cortège d'espèces adaptées à des milieux contrastés. Leur gestion, alliant accueil du public et préservation, en fait des lieux idéaux pour une approche respectueuse de la nature.

Verdon : là où l’aigle royal plane sur les gorges

Des rapaces symboliques

Le Parc naturel régional du Verdon (PNRV) s'impose comme un haut lieu pour les amateurs de grands rapaces. Ici, l’aigle royal règne sur un territoire de 188 000 hectares (PNRV). Chenails rocheux et reliefs abrupts permettent aussi l’observation de plusieurs centaines de vautours fauves, réintroduits depuis la fin des années 90. En 2023, on compte plus de 270 couples nicheurs dans la région (LPO).

Où et comment observer ?

  • Balcons de la Mescla : Un spot incontournable d’où l’on peut observer le vol circulaire des vautours en fin de matinée, portés par les ascendances thermiques.
  • Randonnée du sentier Blanc-Martel : Outre les gorges elles-mêmes, restez attentifs aux survols de circaètes Jean-le-Blanc, faucons pèlerins et parfois du très rare gypaète barbu.

Le matin et la fin d’après-midi sont les plus propices. Un conseil : équipez-vous de jumelles et de patience. S’il est peu probable de croiser un loup (présent mais discret), il n’est pas rare d’entendre, dès la nuit tombée, la hulotte ou l’effraie au cœur des hêtraies-sapinières du Haut-Verdon.

Camargue : ornithologues amateurs et flamants roses

La capitale européenne de l’oiseau d’eau

Impossible de parler faune provençale sans évoquer la Camargue. Ce delta abrite près de 400 espèces d’oiseaux recensées, dont plus de 150 nichent régulièrement (Parc Camargue). Phare parmi les phares, le flamant rose offre ses parades spectaculaires de février à mai, tandis que l’automne explose de rassemblements d'anatidés migrateurs.

Sites d’observation incontournables

  1. Parc Ornithologique du Pont de Gau : Accessible à tous, ce site de 60 hectares propose des sentiers sur pilotis pour apercevoir, en toute saison, hérons, aigrettes, spatules blanches, avocettes élégantes, busards des roseaux… (Pont de Gau).
  2. Digue à la mer et étangs du Fangassier : Spot privilégié pour observer les colonies de flamants roses, notamment lors de la nidification (plus de 10 000 couples en 2021, Tour du Valat).
  3. L’étang de Vaccarès : Grand plan d’eau central où cohabitent canards, busards, grèbes huppés et sternes.

La meilleure période ? De février à mai pour la nidification, septembre à novembre pour les migrations postnuptiales. Ici, les jumelles sont reines, mais un simple téléobjectif offre déjà des clichés époustouflants, notamment lors des vols en formation de grues cendrées.

Luberon : entre mammifères rares et papillons endémiques

Le sanctuaire des chauves-souris

Le Luberon, outre son image de carte postale, est classé Réserve de Biosphère par l’UNESCO depuis 1997. Très peu le savent, mais ce massif abrite plus de 23 espèces de chauves-souris (Parc du Luberon), dont la sérotine commune, la pipistrelle de Kuhl ou le molosse de Cestoni. Certaines colonies atteignent plusieurs centaines d'individus, notamment dans les combles de l’abbaye de Sénanque ou les mines désaffectées du côté de Villars.

Le paradis des papillons

Plus de 130 espèces de papillons y ont été recensées, dont l’azuré du serpolet ou l’apollon des gorges de la Nesque (Consultants Naturellement). Le balisage des sentiers – comme celui du Mourre Nègre – permet d’observer en saison (mai-juillet) des nuées multicolores sur les prairies calcicoles.

  • Sentier des ocres à Roussillon : Zone d'émergence printanière des papillons et insectes pollinisateurs.
  • Forêt des cèdres : Si vous avez de la chance, le matin tôt ou en crépuscule, vous apercevrez chevreuils, blaireaux ou, plus rarement, genettes.

Sainte-Baume : carnivores discrets et essor du hibou Grand-Duc

La dernière grande forêt provençale

La Sainte-Baume abrite l’un des derniers massifs forestiers originels de Provence. C’est un refuge discret pour le chat forestier, de plus en plus observé depuis 2010 grâce aux pièges photographiques installés par le CEN PACA (CEN PACA), mais aussi pour la loutre, qui recolonise l’Argens et ses affluents après des décennies d’absence (OFB).

La nuit des rapaces

Grande particularité du coin : la population croissante du hibou Grand-Duc, le plus grand rapace nocturne d’Europe. Selon la LPO PACA, plus de 20 couples nichent aujourd'hui entre le Plan d’Aups et Riboux (LPO PACA). Les cris puissants de ce hibou s’entendent souvent au printemps, à la tombée de la nuit, dès 19h.

  • Sentier du Saint Pilon : Un itinéraire phare, surtout au lever du soleil, pour croiser renards, sangliers, et écouter les chouettes hulottes.

Conseils pratiques pour un safari provençal éthique

  1. Privilégier l’aube et le crépuscule : Ce sont les périodes les plus actives pour 80% des espèces (données ONCFS).
  2. Rester discret : Un pas feutré, des vêtements neutres, pas de cris… la nature aime la discrétion.
  3. Ne pas sortir des sentiers balisés : Cela limite la dérive des chemins, réduit le dérangement de la faune et protège les habitats.
  4. Se munir d’une paire de jumelles ou d’un téléobjectif : Pour observer sans perturber.
  5. Reporter ses observations : Les applis comme Naturalist ou Faune-PACA permettent d’aider le suivi scientifique tout en respectant l’anonymat des nids sensibles.

Enfin, il faut noter que certaines espèces sont strictement protégées. La proximité peut coûter cher : amende de 150 à 9 000 € en cas de perturbation avérée sur nidification ou habitat (source : Office Français de la Biodiversité).

Des enjeux cruciaux de préservation

Si la faune provençale demeure riche, elle reste fragilisée. Entre artificialisation des sols, usage intensif de pesticides, braconnage et pression touristique (plus de 7 millions de visiteurs en 2022 dans les parcs naturels de la région, source Agence régionale Sud), de nombreux équilibres restent précaires. Le Parc du Luberon, par exemple, a constaté une chute de plus de 60 % de la population d’hirondelles de fenêtre depuis 2000. En Camargue, la disparition temporaire de la sarcelle d’été en 2017 a tiré la sonnette d’alarme sur la qualité des eaux et des zones de quiétude.

La réussite de toute sortie nature repose donc sur une connaissance des enjeux locaux, une humilité face à la complexité écologique et le respect scrupuleux des recommandations des gestionnaires de chaque parc. Ce sont des territoires où la rencontre avec la faune sauvage est un privilège, qui implique une part de responsabilité à la mesure de la beauté offerte.

Poursuivre l’aventure : se former et s’engager

L’observation de la faune en Provence ne se limite pas à une sortie occasionnelle. De nombreux parcs organisent des sorties naturalistes encadrées, des formations bénévoles, voire des stages de science participative pour petits et grands. La LPO PACA, par exemple, propose chaque été des ateliers de découverte gratuits, et la réserve de la Tour du Valat travaille en lien avec les écoles du delta pour sensibiliser à la protection du flamant rose. Participer à ces événements, c’est l’assurance d’une rencontre responsable – et de découvertes qui changent le regard porté sur la nature provençale.

Au-delà du coup d’œil ou de la photo, se confronter à la faune sauvage sur son terrain, c’est renouer avec le rythme de la Provence profonde, celle qui vit et palpite jour et nuit, bien loin des sentiers battus.

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