Randonnée dans les Alpilles : immersion authentique au cœur d’un massif provençal

9 juin 2025

Un massif singulier, sculpté par la nature et les hommes

Situé entre Arles et Avignon, le massif des Alpilles n’a, sur la carte, rien d’immense. Une quarantaine de kilomètres d’est en ouest, moins de quinze du nord au sud : des dimensions modestes qui contrastent avec l’aura qui l’entoure. Mais ici, la taille ne compte pas : ce qui frappe, c’est la puissance du lieu. Rochers blancs éclatants, forêts de pins et d’oliviers, villages perchés, cicatrices de carrières et champs d’amandiers racontent une histoire dense, celle d’une Provence âpre, indomptée, bien loin des clichés des cartes postales.

Le massif des Alpilles, protégé par le Parc naturel régional depuis 2007, est un site classé Natura 2000. À pied, l’expérience se vit intensément : le terrain est accidenté, les panoramas s’ouvrent sans prévenir, et chaque sentier donne l’impression de basculer dans un autre monde. Les chiffres donnent la mesure : plus de 30 sentiers balisés, environ 500 km de parcours pédestres (source : PNR Alpilles), et des affluences en constante progression : près de 110 000 visiteurs chaque année selon le parc.

Paysages à couper le souffle et points de vue inattendus

Randonnée dans les Alpilles rime avec diversité de paysages. En quelques kilomètres, le randonneur passe du maquis méditerranéen à des arêtes rocheuses d'où l'on observe toute la plaine de la Crau, la Camargue, le Rhône, et parfois, par temps très clair, les prémices du Luberon au nord.

  • Les crêtes et belvédères : parmi les plus impressionnants, la montée vers la crête des Civadières ou le mont Gaussier (306 m) au-dessus de Saint-Rémy-de-Provence. D'ici, on surplombe le Val d'Enfer et la plaine d’un côté, les silos à blé de la Crau de l’autre.
  • Les combes sauvages : la combe de la Lèque : encaissement, végétation endémique, senteurs de garrigue. Beaucoup plus calme que les sentiers ultra-fréquentés près des Baux.
  • Les villages perchés : Les Baux-de-Provence (classé parmi les Plus Beaux Villages de France, 1,5 million de visiteurs par an), Eygalières, Aureille – véritables balcons sur la Provence.

Un élément frappant : l’exploitation de la pierre, omniprésente. Près de Maussane et des Baux, d'anciennes carrières témoignent de l'économie du territoire et offrent aujourd’hui des sites étonnants, comme les Carrières de Lumières (plus de 600 000 visiteurs en 2023 – source : Culture Espace), vouées aux expositions immersives.

Une mosaïque de biodiversité, à observer (et respecter)

Territoire fragile, les Alpilles abritent un écosystème unique, dont certaines espèces sont devenues de véritables symboles locaux. Le site regroupe à lui seul plus de 950 espèces végétales recensées et près de 250 espèces de vertébrés (source : PNR Alpilles).

  • L’aigle de Bonelli : avec moins de 40 couples en France, c’est une star locale. Les Alpilles hébergent la première population nationale de cette espèce menacée, selon la LPO. Observer son vol lors d’une randonnée vers Aureille ou Mouriès est toujours un moment fort. Pour rappel, toute approche trop proche des nids est strictement interdite.
  • L’olivier, matrice du paysage : près du tiers des surfaces agricoles du parc sont consacrées à l’olivier. Plus de 1 500 producteurs exploitent ce fruit vert typique (source : France Bleu Provence). En rando, on traverse de vastes oliveraies, loin du tumulte, surtout autour de Fontvieille et Maussane.
  • La flore rare : orchidées sauvages (dont Ophrys apifera et Serapias lingua), lavande, thym, cistes, chênes verts et pins d’Alep. Les sentiers qui longent les zones de transition entre garrigue et pinède, comme la montée au Pas du Loup, sont particulièrement riches pour observer cette diversité.

Les agents du parc signalent régulièrement des actes de braconnage ou des cueillettes sauvages mettant en danger certaines espèces. L'objectif est clair : randonner, c’est regarder, pas prélever.

Un patrimoine archéologique et historique à ciel ouvert

Marcher dans les Alpilles, c’est aussi traverser 2 000 ans d’histoire provençale. Les traces ne manquent pas. Plus qu’un décor, la pierre ici conserve la mémoire locale :

  • Le site de Glanum près de Saint-Rémy : une cité antique majeure, peuplée dès le VI siècle avant notre ère (source : Ministère de la Culture). On peut encore admirer le mausolée, l’arc de triomphe et visiter les vestiges de ce complexe gallo-romain unique.
  • Les moulins d’Alphonse Daudet à Fontvieille : rendus célèbres par l’auteur, quatre d'entre eux sont encore debout, dont le moulin du "secret de Maître Cornille".
  • Le château des Baux (site classé Monument Historique, ouvert au public) : bastion médiéval qui permet de plonger dans la féodalité provençale, avec souvent des démonstrations de machines de siège ou d’archerie médiévale.

Sur d’autres sentiers, on croise de discrètes cabanes de bergers en pierres sèches (bories), les drailles millénaires (voies empruntées par les transhumances ovines), et même d’anciens oppida dont la présence se lit encore dans la végétation.

Étape incontournable : le Val d’Enfer et ses mystères

Le Val d’Enfer mérite une mention particulière. Situé juste sous les Baux-de-Provence, ce cirque de roches déchiquetées a alimenté bien des légendes, jusqu’à inspirer Dante pour sa Divine Comédie (source : Bibliographie locale du PNR Alpilles). On accède à ce site très particulier à pied en partant du village, par un sentier bien balisé.

Les formations géologiques, entaillées par l’érosion du vent et de l’eau, créent un paysage quasiment lunaire. Lieu de rendez-vous préféré des photographes et des grimpeurs, mais aussi zone de nidification pour plusieurs espèces protégées, ce secteur concentre l’un des points les plus sensibles pour l’équilibre environnemental local.

Des rencontres rares : artisans, producteurs, habitants

Sillonner les Alpilles à pied permet de croiser les vrais "acteurs" de ce pays : oléiculteurs, apiculteurs, bergers, artisans d’art. Contrairement aux routes touristiques, la marche offre un accès direct à la vie locale.

Plusieurs itinéraires permettent de s’arrêter chez des producteurs – huile d’olive AOP (la production d’huile des Baux-de-Provence dépasse les 2 500 tonnes par an, source : chambre d’agriculture), miels monofloraux, fromages de chèvre, vins AOC “Les Baux-de-Provence”. Nombre de domaines ouvrent leurs portes, mais attention : petits horaires et accueil souvent sur réservation, privilégier la discrétion.

Des villages comme Maussane ou Mouriès (la plus grande commune oléicole de France), mais aussi des hameaux comme le Destet ou le Pas des Lanciers, cultivent un mode de vie indépendant, attaché au terroir, loin des standards touristiques de masse.

Conseils pratiques pour une randonnée réussie dans les Alpilles

  • Avis de sécurité : les incendies estivaux sont un danger majeur. Chaque année, plusieurs centaines d’hectares partent en fumée (en 2017 : 450 ha brûlés, source : DDTM13). Les accès au massif sont réglementés de juin à septembre (application “Prévention feux de forêt” actualisée chaque matin).
  • Respect de la faune et des plantations : rester strictement sur les sentiers balisés, éviter le bruit pour ne pas déranger la faune (sangliers, hiboux grands-ducs, etc.), ne pas cueillir fleurs ou branches.
  • Équipement : chaussures de marche robustes (nombreux cailloux coupants), eau en quantité (pas de source potable sur la majorité des itinéraires), casquette, crème solaire. On évite la rando de 13h à 18h l’été.
  • Cartographie : les cartes IGN Top 25 sont indispensables, certaines portions de GR6 ou GR653D étant mal balisées ou effacées par les intempéries. Le balisage PNR (vert et jaune) est fiable sur les sentiers principaux.

Pourquoi choisir les Alpilles plutôt que le Luberon, la Sainte-Victoire ou la Sainte-Baume ?

  • Densité patrimoniale vs. amplitude naturelle : ici, tout est resserré, concentré. On passe d’un oppidum celte à une oliveraie de plusieurs siècles en moins d’une heure à pied.
  • Réseau villageois dense : il n’y a jamais plus de 6 à 7 km entre deux villages, ce qui favorise les randos en boucle ou les traversées avec logement à l'étape.
  • Ambiance préservée : si les Baux sont parfois trop fréquentés à la haute saison, la majorité des chemins restent calmes y compris l’été (hors épisodes caniculaires ou restrictions incendies).

Pistes pour explorer plus loin

  • Consulter les fiches rando du Parc naturel régional des Alpilles.
  • Inscrire à l’agenda les événements “Nature” du parc : sorties ornithologiques, journées portes ouvertes d’exploitations agricoles, ateliers d’identification flore-méditerranéenne.
  • Approfondir la géologie du massif avec l’association “Terres d’Alpilles”, qui organise régulièrement des balades guidées à thème.
  • Découvrir les circuits d’artisanat d’art (céramistes, taille de la pierre, ferronniers) entre les Baux, Saint-Etienne-du-Grès et Eygalières.

Marcher dans les Alpilles, c’est s’offrir un concentré d’authenticité méridionale, spectaculaire par ses paysages, précieux par sa biodiversité et rare par sa vie locale, qui résiste malgré tout à la pression touristique. Le massif réserve bien des surprises à qui sait regarder… à pied, tout simplement.

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